Les banques privées sont arrivées à un tournant de leur histoire. Le phénomène de digitalisation, couplé avec un durcissement de la réglementation, les contraints à se réinventer. Plutôt que de subir ce mouvement inéluctable, Neuflize OBC a fait le choix d’adapter dès à présent son organisation. Explication avec son président Laurent Garret et Sophie Breuil, sa directrice clientèle.

Décideurs. Le marché des banques privées est très concurrentiel. Comment se différencie l’approche de Neuflize OBC ?

Laurent Garret. Nous avons un modèle unique, tourné vers les entreprises et les entrepreneurs. C’est une approche véritablement à 360°. On accompagne nos clients sur le plan patrimonial en les aidant notamment à préparer leur cash-out et leur succession. Sur les aspects corporate, nous intervenons sur les problématiques de haut de bilan, de création de holding... Notre positionnement est soutenu par une offre crédit pertinente. Nous disposons également d’expertises de niche dans les secteurs de la santé, de l’immobilier, de l’art ou encore du cinéma.

Sophie Breuil. Nous avons aussi mis en place une offre dédiée aux entreprises issues du secteur du développement durable et des énergies renouvelables. Une niche qui représente environ 350 sociétés. Nous disposons en interne d’un certain nombre de banquiers privés spécialisés, fin connaisseurs de ce secteur et du modèle économique développé par ces entreprises.

 

La digitalisation est en train de bouleverser en profondeur le métier. Comment vous y êtes-vous préparés ?

L. G. Son impact est tel qu’il a fallu réagir encore plus vite que prévu. Nous avons eu le courage de dire ouvertement ce que tout le monde pense tout bas. Ce phénomène entraînera nécessairement une baisse des effectifs pour une grande partie des établissements bancaires. Pour s’en rendre compte, il suffit de constater que les clients effectuent désormais leur virement seuls, depuis un restaurant ou dans la rue. C’est une lame de fond.

S. B. On s’est engagé résolument dans le digital. C’est le futur de la banque privée. Nous digitalisons les missions périphériques pour garder de l’humain dans le conseil stratégique.

Nous avons bien conscience que cela va modifier la manière dont se vit la relation des clients avec la banque privée, mais cela ne veut en aucun cas signifier la fin de l’humain, bien au contraire.

L. G. Demain, il y a aura moins de banquiers, moins d’assistants. Mais les conseillers s’évertueront à passer plus de temps avec leurs clients et à créer des échanges de grandes qualités. Il faut le faire maintenant. Dans quelques années, il sera trop tard : de grands changements se préparent et les fintechs se développent sur le secteur. Rien qu’en 2017 le groupe ABN Amro prévoit d’investir 50 millions d’euros pour accélérer sa transformation digitale.

Demain, il y a aura moins de banquiers, moins d’assistants

 

Ce ne sont pas des décisions faciles à prendre tout de même. Très peu de banques privées ont osé franchir le pas jusqu’ici et réduire leurs effectifs. Comment ont réagi vos clients entrepreneurs ?

L. G. Si la Banque Neuflize OBC a 350 ans d’histoire derrière elle, c’est qu’il y a eu des capitaines qui ont su prendre les virages au bon moment. Les entrepreneurs vivent eux-mêmes l’impact du digital sur leur activité. Comme vous l’avez bien souligné, nous sommes une banque dédiée aux entrepreneurs. Grâce à la constitution de binômes de travail composés d’un expert des problématiques de l’entreprise et d’un spécialiste des questions patrimoniales, nous sommes en mesure d’aller très loin dans notre relation avec ces entrepreneurs. Quand on fait un crédit à un client, on regarde le potentiel total : la dimension privée et la rentabilité de l’entreprise. Cette approche globale permet de consolider l’ensemble des revenus et de la relation client lors de la décision de crédits, améliorant ainsi l’acceptation et le coût.

Nous sommes dans l’interprofessionnalité

 

Le modèle économique des banques privées interroge. Avec l’impact de Mifid 2, la question sera désormais de savoir si les clients accepteront de payer les services fournis par leur banque privée.

S. B. Dans l’imaginaire collectif, les banques gagnent beaucoup d’argent, en conséquence de quoi tous les services doivent être gratuits. Jusqu’à présent, les banques ont fait trop de rémunération cachée. Un déficit de confiance s’est installé. L’enjeu des banques privées sera donc d’être le plus transparent possible et de facturer leurs services au juste prix.

 

L’offre « family office » intégrée à un établissement bancaire peut-il fonctionner ? cela n’est-il pas contraire au besoin d’indépendance de la fonction ?

S. B. Le modèle peut fonctionner et nous en faisons la démonstration. Notre mode de rémunération repose à 100 % sur des honoraires. Nous avons développé des outils de reporting consolidés multi-établissements. Nous sommes dans l’interprofessionnalité et les autres banques de nos clients sont de véritables partenaires. Le « chinese wall » que nous avons constitué sur cette offre est une marque d’indépendance. La réglementation est stricte, les équipes du family office sont très contrôlées. 

 

Propos recueillis par Aurélien Florin (@FlorinAurelien)

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