Selon une étude du cabinet de conseil McKinsey, la digitalisation du secteur bancaire représente un potentiel de mille milliards d’euros de création de valeur en France d’ici 2025. Une dynamique portée en grande partie par l’essor des « néo-banques ». Passage en revue des changements en cours.

Longtemps préservé par la réglementation, le secteur bancaire vit depuis dix ans une véritable révolution. Le mobile banking représente 30 % du marché actuel, selon Comscore, et serait en passe de dépasser les 50 % avant 2020. 65 % des clients qui se connectent à leur espace client le font via leur application mobile, d’après une étude de D-Rating, agence de notation de la performance digitale des entreprises, créée début 2017 avec le soutien de BPIFrance. L’essor du mobile banking a été porté par les néo-banques, institutions financières proposant leur service uniquement sur mobile. Parmi elles, on compte N26, Compte Nickel ou encore C-zam. Leur apparition va dans le sens de la désintermédiation bancaire, facilitée par la législation européenne. Les directives sur les services de paiement (DSP 1 et 2) visent à promouvoir la libre entrée et sortie sur le marché tout en garantissant la sécurité et la coopération entre les fintech. Dans la veine de la monnaie unique, elles ont pour autre objectif de catalyser le paiement électronique en le rendant moins onéreux et plus sûr : les néo-banques sont donc soumises depuis 2015 aux mêmes règles que les autres établissements bancaires.

Des banques traditionnelles en retard

Face à cette nouvelle concurrence, les banques traditionnelles pâtissent aujourd’hui de l’héritage de leurs anciens systèmes digitaux et de la lourdeur des processus de modernisation. Seules 8 % d’entre elles incluent l’ouverture d’un compte directement depuis l’application mobile dans leur offre ; les 92 % restants requièrent au minimum un passage en agence pour effectuer les démarches, qui peuvent durer plus d’une semaine. En comparaison, 67 % des néo-banques proposent ce service pour une rapidité d’exécution décuplée (moins d’une heure pour certaines). La société D-Rating a réalisé une étude sur l’« empreinte digitale » des institutions financières, un indice qui évalue l’impact d’une entreprise sur les principaux territoires digitaux. Elle démontre que certaines banques, comme le Crédit agricole, la Société générale ou Fortuneo innovent bien davantage que d’autres cadors comme le Crédit mutuel Arkéa ou la BNP Paribas, qui préfèrent investir dans des start-up prometteuses plutôt que de développer leur branche digitale en interne.

L’accroissement du nombre d’acteurs du secteur avec l’essor des néo-banques et le lancement de certaines sociétés de télécom dans le service bancaire digital (Orange, Altice) illustrent un contexte inédit de désintermédiation où le relationnel client joue un rôle clé. Les néo-banques puisent leur force dans l’instantanéité de l’information transmise à leurs clients. Du côté des établissements traditionnels, seul le Crédit mutuel inclut le partage de données en temps réel. Par ailleurs, tout juste la moitié des applications mobiles de ces groupes permettent de télécharger ses relevés de comptes et 17 % d’entre elles mettent à disposition le rehaussage des plafonds, contre deux tiers des néo-banques. Pour Nicolas Babel, cofondateur de D-Rating, si ces dernières ont entamé le changement dont le service bancaire en ligne rêvait, c’est parce « la révolution mobile est peut-être plus forte que celle online ».

58 % des applis notées sous la moyenne

Selon D-Rating, 58 % des établissements de crédit ont des applications mobiles qui sont notées en dessous de la moyenne sur les app store et play store (moins de trois étoiles) au cours des douze derniers mois. Pour M. Babel, « les néo-banques viennent augmenter le niveau d’attente des clients sur les services digitaux ». Bien que toutes proposent le service classique de virements, seulement 8 % des acteurs traditionnels et 17 % de ceux en ligne incluent les transferts par SMS, contre deux tiers des néo-banques. Déjà très en retard pour certains d’entre eux, les groupes traditionnels s’adaptent en intégrant des sociétés externes particulièrement novatrices à leur activité. C’est le cas de Crédit mutuel Arkéa, qui a pris part aux capitaux d’une multitude de start-up d’avenir : Linxo, Yomoni, Grisbee, Pumpkin ou encore Mangopay et Monext. La BNP a racheté Compte Nickel pour deux cents millions d’euros en avril dernier, néobanque qui comptait plus de 500 000 clients après seulement trois ans d’existence. Natixis a, quant à elle, racheté la moitié du capital de Dalenys et La Banque postale a racheté Kisskissbankbank. Pour M. Babel, « Ces rachats prouvent que l’innovation provient très peu des banques elles-mêmes »

A.R.

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