Le couturier désirait léguer une partie de son héritage à Choupette, son chat. Le droit en décidera autrement.

Karl Lagerfeld s’est éteint ce mardi 19 février à Paris. Il laisse derrière lui une signature artistique intemporelle, des marques et des créations qui marqueront à jamais l’univers de la mode, mais aussi un important patrimoine, dont la transmission reste teintée de mystère. Le couturier était souvent accompagné, lors de défilés et sur les plateaux télés d’une petite chatte birmane aux poils blancs prénommée Choupette. Égérie de la ligne de maquillage Shu Uemera et déjà propriétaire de plusieurs millions d’euros, Choupette était la muse du créateur, le centre de son monde. Si bien qu’en 2015, il affirmait que s’il disparaissait, Choupette serait son héritière. Mais qu’en dit la loi ? Il est nécessaire pour le savoir de se pencher sur les règles de droit international privé. Cette matière permet de déterminer le droit national devant régir les situations privées présentant des éléments internationaux. Au sein de l’Union européenne, le droit successoral est régi par le règlement du 4 juillet 2012. Celui-ci prévoit que la loi du lieu de résidence du défunt doit trouver application. Karl Lagerfeld était de nationalité allemande, mais il résidait en France. Or, en droit français, les animaux sont des êtres vivants, mais n’ont ni personnalité ni capacité juridique. L’article 515-14 du Code civil précise par ailleurs que les animaux sont soumis au régime des biens. « L’animal domestique est un être vivant doué de sensibilité, mais pas un héritier », estime Julien Lauter, notaire associé de l’étude Rochelois-Besins & Associés et spécialiste de la gestion de patrimoine. Il ne peut donc pas bénéficier de manière directe d’une libéralité (la cour d’appel de Lyon s’est prononcée à ce sujet dès 1958). 

2 millions de dollars et un manoir

Alors, comment contourner cette règle ? Des solutions existent, nous rassure le notaire. Comme le legs avec charges. En droit des successions, le mécanisme prévoit que le patrimoine du défunt soit légué à une association de protection des animaux ou à une personne de confiance à condition qu’elle prenne soin de l’animal jusqu’à son décès. Cela est très fréquent : les legs auraient représenté environ 70 % des recettes de la société de protection des animaux (dite « SPA ») en 2018. Il est également possible de désigner le prochain propriétaire de l’animal qui héritera de certaines richesses pour assurer son confort. Choupette avait deux dames de compagnie. Il est donc probable que l’une d’elles devienne sa nouvelle propriétaire. Précisons cependant que ces dispositifs ne peuvent être mis en œuvre que si le défunt n’a pas d’enfant. En effet, une partie du patrimoine de la personne disparue doit obligatoirement revenir à son conjoint ou à ses enfants : c’est la réserve héréditaire. Il n’est pas possible de les déshériter de la part qui leur revient légalement. La part – également appelée quotité disponible – restante, peut quant à elle être léguée à une personne extérieure au cercle familial. Karl Lagerfeld n’avait pas d’enfant. Choupette pourra donc bénéficier de l’héritage uniquement par le biais d’une association ou personne choisie par le créateur avant sa mort. 

Outre-Atlantique, il en va différemment. Les animaux peuvent héritier du patrimoine de leurs maîtres. À sa mort en 2007, Leona Helmsley, magnat de l’immobilier américain, léguait 12 millions de dollars à son chien en excluant de son testament ses deux petites-filles. Bubbles, le chimpanzé de Michael Jackson, avait en son temps hérité de 2 millions de dollars et d’un manoir. Oprah Winfrey prévoit quant à elle de léguer 30 millions de dollars à ses cinq chiens à son décès.

Maeva Kpadonou (@KpadonouMaeva)

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