Le premier secrétaire du PS joue la carte du collectif et ce, jusque dans la construction du leader. Un meneur se formant à l’écoute des autres, sachant se laisser convaincre et jouant l’interaction collectif/individu.
Jean-Christophe Cambadélis : « Il faut partager le pouvoir pour pouvoir faire partager »
Décideurs. Les grands succès remportés par votre famille politique sont-ils le fruit d’un leadership individuel et/ou collectif ?
Jean-Christophe Cambadélis. Lionel Jospin avait eu l’outrecuidance de dire : «?François Mitterrand ? Le parti socialiste l’a tout autant fait qu’il a fait le parti socialiste?» ! Je crois que c’est profondément juste. Je n’ai jamais cru à l’homme providentiel franchissant trois ponts d’Arcole par jour. Il n’y a pas de victoire individuelle sans collectif. C’est ce que n’a jamais compris un François Bayrou par exemple.
Avoir raison seul, c’est avoir un destin solitaire. Même le général de Gaulle a dû s’entourer, descendre dans l’arène, regrouper tant à Londres qu’en créant le RPF. Et il n’ignorait rien des agissements de ses amis du SAC. Il avait besoin d’une force collective. L’idée de l’homme seul sur «?la colline inspirée?», laissant la situation venir à lui est un leurre. C’est l’interaction de l’individu et du collectif qui fait les grands succès.
Décideurs. L? où le leadership individuel requiert des qualités de visionnaire et de décisionnaire, quelles sont les qualités indispensables pour susciter un leadership collectif ?
J.-C. C. Un leadership collectif demande un leadership individuel le laissant s’affirmer. Et le leadership collectif renforce le leadership individuel. Pour ce faire, le collectif doit partager le diagnostic : respecter les objectifs et manifester une solidarité sans faille. C’est ce qu’on appelle un esprit de corps. Celui-ci ne se décrète pas, ne s’impose pas. Il ne vise pas à uniformiser mais à mettre en mouvement une complémentarité.
Des femmes et des hommes avec leur caractère propre, leur culture, acceptent consciemment de «?faire ensemble?», et ils en sont fiers. Cela nécessite, pour le leadership individuel, d’exercer un leadership d’influence, de conviction, et pas d’autorité. Et surtout que l’on ne confonde pas charisme et leadership.
Décideurs. Il y a un paradoxe entre l’empowerment nécessaire à un leadership collectif et le principe d’égalité entre les membres des équipes sollicitées. Si tout le monde est chef, alors il n’y a plus de chef ?
J.-C. C. Plutôt primus inter pares que leader institutionnel. Vouloir être chef, c’est déjà être dans l’erreur. Chef c’est un statut, pas un leadership. Plusieurs cerveaux sont supérieurs à un seul, même si c’est sur la base d’un diagnostic et des objectifs posés par le leader. Pour être vraiment leader, il faut accepter de pouvoir être convaincu par l’autre. Ce n’est pas déchoir, c’est au contraire démontrer de l’écoute et de la clairvoyance.
Encore une fois, il faut partager le pouvoir pour pouvoir faire partager. Ce n’est pas les galons qui font le leader, mais la vision, la puissance de conviction, ce qui n’exclut pas la contestation car elle l’absorbe.
Décideurs. Le leadership collectif naît-il de l’adhésion spontanée des équipes à un projet commun ou bien en est-il la conséquence ?
J.-C. C. Il n’y a jamais d’adhésion spontanée. Je dirais même que le scepticisme et le pessimisme sont aujourd’hui un trait de notre époque. Il y a là un réflexe d’autodéfense. Surtout dans ce moment marqué par le pessimisme militant, où les sources d’information procèdent de la critique, de la négation de la parole autorisée ou du discours autoritaire. Et c’est précisément là que se joue le leadership contemporain. Désarmer les préventions, dénouer les oppositions, partager les questions, offrir les solutions, regarder loin, agir vite.
Décideurs. Le parti socialiste ne survira-t-il que par le leadership collectif ?
J.-C. C. Le parti socialiste a un statut particulier : sa pérennité vient de son histoire centenaire. La question qui lui ait posé est la préservation de son identité dans une situation politique, économique et sociale, voire historique, renouvelée. Il lui faut faire rimer histoire et espoir individuels et collectifs. C’est cela qui est passionnant : jeter les bases d’une gauche de ce siècle qui ne renonce à rien mais renouvelle les moyens.
Propos recueillis par Julien Beauhaire
Jean-Christophe Cambadélis. Lionel Jospin avait eu l’outrecuidance de dire : «?François Mitterrand ? Le parti socialiste l’a tout autant fait qu’il a fait le parti socialiste?» ! Je crois que c’est profondément juste. Je n’ai jamais cru à l’homme providentiel franchissant trois ponts d’Arcole par jour. Il n’y a pas de victoire individuelle sans collectif. C’est ce que n’a jamais compris un François Bayrou par exemple.
Avoir raison seul, c’est avoir un destin solitaire. Même le général de Gaulle a dû s’entourer, descendre dans l’arène, regrouper tant à Londres qu’en créant le RPF. Et il n’ignorait rien des agissements de ses amis du SAC. Il avait besoin d’une force collective. L’idée de l’homme seul sur «?la colline inspirée?», laissant la situation venir à lui est un leurre. C’est l’interaction de l’individu et du collectif qui fait les grands succès.
Décideurs. L? où le leadership individuel requiert des qualités de visionnaire et de décisionnaire, quelles sont les qualités indispensables pour susciter un leadership collectif ?
J.-C. C. Un leadership collectif demande un leadership individuel le laissant s’affirmer. Et le leadership collectif renforce le leadership individuel. Pour ce faire, le collectif doit partager le diagnostic : respecter les objectifs et manifester une solidarité sans faille. C’est ce qu’on appelle un esprit de corps. Celui-ci ne se décrète pas, ne s’impose pas. Il ne vise pas à uniformiser mais à mettre en mouvement une complémentarité.
Des femmes et des hommes avec leur caractère propre, leur culture, acceptent consciemment de «?faire ensemble?», et ils en sont fiers. Cela nécessite, pour le leadership individuel, d’exercer un leadership d’influence, de conviction, et pas d’autorité. Et surtout que l’on ne confonde pas charisme et leadership.
Décideurs. Il y a un paradoxe entre l’empowerment nécessaire à un leadership collectif et le principe d’égalité entre les membres des équipes sollicitées. Si tout le monde est chef, alors il n’y a plus de chef ?
J.-C. C. Plutôt primus inter pares que leader institutionnel. Vouloir être chef, c’est déjà être dans l’erreur. Chef c’est un statut, pas un leadership. Plusieurs cerveaux sont supérieurs à un seul, même si c’est sur la base d’un diagnostic et des objectifs posés par le leader. Pour être vraiment leader, il faut accepter de pouvoir être convaincu par l’autre. Ce n’est pas déchoir, c’est au contraire démontrer de l’écoute et de la clairvoyance.
Encore une fois, il faut partager le pouvoir pour pouvoir faire partager. Ce n’est pas les galons qui font le leader, mais la vision, la puissance de conviction, ce qui n’exclut pas la contestation car elle l’absorbe.
Décideurs. Le leadership collectif naît-il de l’adhésion spontanée des équipes à un projet commun ou bien en est-il la conséquence ?
J.-C. C. Il n’y a jamais d’adhésion spontanée. Je dirais même que le scepticisme et le pessimisme sont aujourd’hui un trait de notre époque. Il y a là un réflexe d’autodéfense. Surtout dans ce moment marqué par le pessimisme militant, où les sources d’information procèdent de la critique, de la négation de la parole autorisée ou du discours autoritaire. Et c’est précisément là que se joue le leadership contemporain. Désarmer les préventions, dénouer les oppositions, partager les questions, offrir les solutions, regarder loin, agir vite.
Décideurs. Le parti socialiste ne survira-t-il que par le leadership collectif ?
J.-C. C. Le parti socialiste a un statut particulier : sa pérennité vient de son histoire centenaire. La question qui lui ait posé est la préservation de son identité dans une situation politique, économique et sociale, voire historique, renouvelée. Il lui faut faire rimer histoire et espoir individuels et collectifs. C’est cela qui est passionnant : jeter les bases d’une gauche de ce siècle qui ne renonce à rien mais renouvelle les moyens.
Propos recueillis par Julien Beauhaire