L’ancien ministre de l’Agriculture livre les clés de son engagement pour une autre présidence de l’UMP.
Décideurs. Comment se passe votre campagne ?
Bruno Le Maire.
Elle se déroule très bien. C’est l’avantage des marathoniens : on tient de longues distances. Je prends beaucoup de plaisir, notamment face à l’accueil enthousiaste dans les meetings. Et que cela soit à Tournus, Canet-en-Roussillon ou Toulouse d’où j’arrive, cela fait chaud au cœur.

Décideurs. Vous privilégiez le terrain et les poignées de main, à l’instar de Jacques Chirac en son temps…
B. Le M.
Le terrain est pour moi la seule campagne qui compte. Je ne fais pas une campagne de presse, mais une campagne politique. C’est très différent. Le but est de me faire connaître des militants et la seule chose qui compte, c’est la poignée de main. C’est une question de respect.

Décideurs. Vous aimez la langue française. En trois épithètes, comment décririez-vous la situation actuelle de la France ?
B. Le M.
Je leur préférerais trois substantifs : une colère sourde, une vraie inquiétude et une énergie française. Une colère sourde contre les responsables politiques qui ne vivent pas les mêmes choses que les Français. Puis, une inquiétude contre le déclassement de chacun et de la France. Mais aussi une énergie à la fois typiquement française et locale qui ne demande qu’à se révéler et qui tient encore le pays debout.

Décideurs. Et que dire de la situation de l’opposition et de votre parti notamment ?
B. Le M.
Solidité à la base et fragilité au sommet. Les militants sont nombreux et nous ont fait gagner les élections municipales et le Sénat, alors qu’en haut on trouve encore des divisions et des querelles. Depuis deux ans, au sommet, nous n’avons pas été à la hauteur des militants. En réponse, saborder l’UMP est injuste. Les militants méritent mieux.

Décideurs. Vous êtes fan du groupe Fauve. Considérez-vous que ce soit le pouvoir actuel ou l’UMP qui est le Blizzard ?
B. Le M.
(Rires). C’est le pouvoir actuel, sans hésitation !

Décideurs. « Disponible », « engagé en faveur d’un parti de droite », « une parole donnée aux militants », « une plus grande transparence financière »… font partie des engagements de votre programme. Outre ce dernier point, qu’est-ce qui distinguerait votre présidence de l’UMP de celle de Jean-François Copé par exemple ?
B. Le M.
Soyons très clair : lorsque l’élection à la base est contestée, le chef est contestable. Quelle que soit son initiative, elle est vouée à l’échec car il y a des divisions.
L’élection de 2014 nous offre l’occasion unique et ultime de retrouver un chef légitime et incontesté sur la base d’un projet clair. Et je veux être ce chef.
Dans chacun de mes meetings, je propose un contrat de confiance avec les militants, avec des engagements clairs : je garde l’UMP [son nom], le positionnement est de droite républicaine, je refuse la fusion avec l’UDI, je défends l’idée de donner toutes les investitures – locales et nationales – à toutes les fédérations… C’est un changement complet pour le parti qui permet de redonner la parole aux militants.
Aujourd’hui, l’UMP n’a pas d’identité. C’est là tout le drame. Elle doit la retrouver à travers quatre piliers : le nécessaire changement démocratique – réduction du nombre de parlementaires, démission de la fonction publique pour les hauts fonctionnaires…–, le rétablissement de l’autorité de l’État bafouée aujourd’hui en matière d’immigration, de sécurité et de principes républicains, mais aussi la liberté pour les entrepreneurs – remplacer et non simplifier le code du travail comme en 1945 –, et enfin l’éducation, qui doit redevenir notre grande bataille – apprentissage et suppression du collège unique, revalorisation du primaire.

Décideurs. Comment renflouer le déficit de onze millions de l’UMP ?
B. Le M.
Il y a beaucoup de choses à faire. À commencer par récupérer l’argent des élus qui ne cotisent pas ou plus. Cela correspond à six millions d’euros par an. Il faut ensuite réduire les dépenses du siège en rendant notamment transparents le nombre de contrats et leur montant. Ensuite, en respectant la loi sur la parité pour éviter l’amende de quatre millions d’euros. Enfin, en rendant le pouvoir aux militants, on en fera venir de nouveaux.

Décideurs. Vous ne croyez pas à un rapprochement avec le centre et l’UDI pour la présidence du parti, mais qu’en est-il pour la primaire ?
B. Le M.
C’est une question de stratégie politique. Depuis que je suis responsable de l’UMP dans l’Eure, nous avons tout gagné : on a repris quasiment toutes les villes à la gauche, comme Évreux, Les Andelys, Vernon, Gisors et même Louviers, la ville de Pierre Mendès France. Nous avons gagné parce que j’ai opéré ce renouveau en plaçant des têtes nouvelles, dans l’unité avec l’UDI. Jamais je n’ai confondu les deux partis. C’est la même chose au niveau national : je ne crois pas à une stratégie de fusion, mais bien plutôt à une stratégie de coopération. Mais je souhaite qu’au moment des primaires nous soyons rassemblés. Vu la place qu’a prise le Front national, il serait dangereux d’avoir deux candidats distincts.

Décideurs. Pourquoi votre ambition se limite-t-elle à la présidence d’un parti et n’est-elle pas nationale ?
B. Le M.
C’est la question essentielle. Outre ce contrat de confiance avec les militants, on doit avoir une stratégie de reconquête. La mienne part d’un constat dramatique, celui de la perte en 2012 de toutes les élections, plaçant la droite au plus bas depuis 1958. Pour engager cette reconquête, dans le respect des calendriers électoraux, il faut un parti fort. C’est l’engagement que je prends devant les militants : reconstruire un parti de droite républicaine fort, qui sera le point de polarisation de la politique française. C’est là toute l’étape nécessaire pour revenir au pouvoir en 2017.

Décideurs. Dans le cas où l’UMP remporte la présidentielle de 2017, vous verra-t-on rue de Vaugirard ou à la tête d’un ministère ?
B. Le M.
Les postes ne m’intéressent pas. Je les ai déjà eus : directeur de cabinet d’un Premier ministre, deux fois ministre et deux fois député. Ce qui m’intéresse, c’est le renouveau de ma famille politique et des pratiques.
Si j’avais envie de négocier un poste ou une place, je l’aurais immédiatement fait en allant voir Nicolas Sarkozy pour lui en réclamer un.
La réalité, c’est que le renouveau politique est une force qui ne s’arrêtera pas et que je porterai jusqu’au bout, quelle que soit l’issue du vote de novembre prochain.

Décideurs. Il ressort des débats à l’Assemblée que vous en voulez moins à Manuel Valls qu’au carcan idéologique de la gauche qui paraît l’asphyxier.
B. Le M.
Le vrai reproche, et c’est plutôt une accusation, est adressé à François Hollande, élu sur une série de mensonges que les Français paient. Je ne lui pardonnerai jamais. Ma détermination à le battre est totale. Cet homme-là ne doit plus être au pouvoir en 2017 parce qu’il a trompé les Français.

Décideurs. C’est pourtant le lot commun des candidats à la présidence que de proposer mille et une choses. Vous serez donc celui qui reprendra le candidat UMP sur un programme mensonger ?
B. Le M.
Arrêtons de proposer des choses que nous ne pourrons pas réaliser. Sortir de Schengen, abroger la loi sur le mariage pour tous… Nous ne le ferons jamais ! Nous ne sommes qu’en 2014 et la présidence de la République est dans trois ans. Il y a un parti à reconstruire avant.
Pour le reste, on verra quel rôle je jouerai, mais ce qui est certain, c’est que je ne serai pas la caution d’un retour raté de la droite au pouvoir.


Propos recueillis par Julien Beauhaire & Camille Drieu

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