Agnès Touraine dresse le bilan de la deuxième année d'application du say on pay dans les conseils d'adminstration.

Agnès Touraine est une habituée des conseils d’administration depuis plus de dix ans, notamment chez Darty, Neopost ou encore Lastminute. Aujourd’hui à la tête du réseau de référence des administrateurs français, elle met en avant les pratiques qui conduisent à faire de la gouvernance un facteur de compétitivité.

 

Décideurs. Le say on pay, an 2 : quel bilan dressez-vous ?

 

Agnès Touraine. Le bilan est positif. En 2013, les entreprises avaient des craintes quant à sa mise en place mais le système s’est révélé particulièrement utile en matière de transparence. L’année 1 était celle de l’installation, l’année 2 celle de la stabilisation. Les actionnaires, toujours en demande d’informations, ont renforcé leur vigilance lors des assemblées. Le taux d’approbation est passé de 91 % à 87 %. Le comité de rémunération du conseil d’administration joue ainsi pleinement son rôle. La France connaît une véritable avancée et se retrouve aujourd’hui au même niveau que les autres pays. Il s’agit d’un réel progrès en matière de gouvernance.

 

Décideurs. On parle d’une crise de la rémunération des dirigeants. Qu’en pensez-vous ? Quelles issues sont envisageables ?

 

A. T. Je ne pense pas que nous vivions une crise des rémunérations. Elles doivent être expliquées en toute transparence, définies et approuvées en comité de rémunération du conseil d’administration et en assemblée générale avec le say on pay. C’est le cas aujourd’hui. Le vrai débat porte sur le niveau de rémunérations et du ratio entre le salaire du dirigeant et le salaire médian de ses employés. Car, dans un environnement compétitif, et ce dans la plupart des secteurs, être dirigeant mérite salaire. En revanche, les éléments de rémunération non déclarés ou qui évoluent en cours de mandat ne sont pas tolérables. La confiance est ainsi rompue. Les dirigeants doivent raison garder pour conserver un lien constant avec l’environnement économique dans lequel ils évoluent.

 

Décideurs. Comment responsabiliser la gouvernance des entreprises ?

 

A. T. Nous avons accompli des progrès considérables en dix ans, voire une révolution de la gouvernance. Le code Afep-Medef de 2013 aujourd’hui respecté par la totalité des entreprises cotées, le comply or explain ou encore le rôle renforcé de l’AMF, ont permis à la France de compter parmi les pays qui possèdent l’une des meilleures gouvernances au monde. En effet, à l’IFA, nous sommes convaincus qu’une bonne gouvernance contribue à la compétitivité des entreprises.

Rappelons aussi que la gouvernance n’est pas que de la conformité. Le conseil d’administration porte quatre responsabilités bien définies : élaborer la stratégie du groupe, nommer les mandataires sociaux, suivre les missions de contrôle et informer. La gouvernance génère de la confiance. À défaut d’une gestion responsable, la loi réglementerait les actions des entreprises. Cette solution n’est pas souhaitable : les organisations sont trop différentes pour qu’une même loi s’applique à tous.

 

Décideurs. Où en est-t-on dans la féminisation des conseils d’administration ? Quels défis sont encore à relever ?

 

A. T. Dans le CAC 40, 35 % des administrateurs sont des femmes, un chiffre encourageant pour atteindre le quota fixé à 40 % par la loi de 2011 d’ici à 2017. Cela représente 150 femmes à recruter. La même dynamique s’opère actuellement dans le SBF 120 qui affiche le très bon taux de 32 %. Nous avons fait des progrès considérables depuis huit ans, quand les conseils ne comptaient que 10 % d’administratrices. De plus, la féminisation des conseils a entraîné la diversification des profils et le développement des compétences. La loi a bien fonctionné et a apporté une vraie valeur ajoutée sur la façon dont les conseils se tiennent aujourd’hui, même si on peut regretter qu’il faille des quotas pour progresser !

 

Propos recueillis par Julie Atlan

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