Fin connaisseur de la culture et de la société américaines, Pascal Baudry voit dans l’élection possible de Donald Trump le résultat d’années de silence politique face à un climat social qui, depuis la crise des subprimes, n’a cessé de se détériorer. Dans l’indifférence générale.

Le résultat d’un sentiment collectif de frustration. Voilà à quoi Pascal Baudry*, coach et psychanalyste « interculturel » spécialiste des États-Unis - où il a vécu plus de vingt ans et exerce encore fréquemment - attribue l’élection possible de Donald Trump. Un sentiment d’autant plus fort que, des années durant, il n’a fait l’objet d’aucune réponse politique… S’aggravant jusqu’à laisser la place à une colère et une défiance à l’égard du « système » et de ses représentants qui, d’ici quelques heures, pourraient bien propulser Donald Trump à la présidence, celui-ci ayant su puiser dans ce «ras-le-bol » national l’essentiel de ses arguments de campagne. Une méthode qui, force est de le constater, a clairement fait la preuve de son efficacité.

 

Frustration et vulnérabilité 

« Aux États-Unis, la détérioration du climat social est flagrante, explique Pascal Baudry. La montée d’un sentiment de frustration lié au déclassement précipité par la crise des subprimes est palpable depuis des années au sein de la société américaine. Il est d’autant plus puissant qu’il est assorti d’un sentiment d’injustice sociale extrêmement violent pour bon nombre d’Américains choqués par le fait que ni les représentants du monde politique ? ni ceux de la finance n’Ont eu de comptes à rendre suite à cette crise qui a eu des conséquences tragiques pour des milliers d’entre eux.» Dans un pays comme les États-Unis dont la culture nationale a toujours été fondée sur le principe d’« accountability » - autrement dit sur la capacité de chacun à assumer la responsabilité de ses actes -, un tel constat est « inacceptable », souligne Pascal Baudry. « Les gens voient qu’ils ont été les seuls à payer le prix d’un désastre dont les responsables n’ont jamais été inquiétés, poursuit-il. Cette impunité accordée à certaines catégories de la population les a rendus extrêmement vulnérables aux discours populistes ». D’où cette certitude du psychanalyste : « On a laissé se développer un terreau favorable à Trump ».

 

Contagion

Quant à évaluer les répercussions d’une possible élection du candidat républicain sur le reste de la planète, et notamment en Europe, Pascal Baudry pointe un risque évident : celui de la contagion. « Si Donald Trump est élu, son accession au pouvoir aura pour effet de normaliser les positions extrémistes et les mesures radicales, notamment en ce qui concerne l’immigration. Il y a alors de fortes chances que l’on assiste à un effet de contagion populiste de nombreuses démocraties européennes. » Et notamment la France où, constate-t-il, on assiste depuis des années à une aggravation des tensions sociales et à un durcissement des positions de repli sur fond de défiance croissante à l’égard du politique. Un climat qui n’est pas sans rappeler celui de l’Amérique des derniers mois.

 

Caroline Castets

@CaroCastets1 

 

*auteur de « Français et Américains - L’autre rive »

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