À quelques mois de la présidentielle, les candidats de tous bords profitent de la moindre occasion pour se faire entendre. Sans surprise, l’élection de Donald Trump le 9 novembre ne déroge pas à la règle.

« Félicitations au nouveau président des États-Unis Donald Trump et au peuple américain, libre ! », twitte Marine Le Pen le 9 novembre au matin avant même que les résultats officiels ne soient communiqués et que le monde entier est comme anesthésié par la nouvelle. Elle, jubile. Forcément, depuis le début, la présidente du Front national soutient le milliardaire. « Le point commun qui existe entre Donald Trump est moi ? Nous ne participons pas du système, nous ne dépendons de personne », explique la candidate dans une interview diffusée sur CNN le 31 août dernier.

 

De l’eau au moulin du Front national

 

Triomphante, celle qui se montre pourtant discrète depuis la rentrée de septembre, va même jusqu’à organiser une conférence de presse pour l’occasion. « La décision du peuple américain doit s’interpréter comme la victoire de la liberté d’un peuple souverain », déclare Marine Le Pen avant d’affirmer que l’élection du républicain est une « bonne nouvelle pour notre pays ». Même réaction euphorique pour Florian Filippot : « Leur monde s’effondre. Le nôtre se construit, place aux peuples », twitte le vice-président du parti bien décidé à surfer sur l’élection de Donald Trump. Car celle-ci apporte inévitablement de l’eau au moulin du front national. Et pour cause, elle s’inscrit dans « une série de percées électorales par ceux qui incarnent la contestation de l’establishment politique », selon le politologue Jean-Yves Camus qui refuse néanmoins d’y voir une « nouvelle porte » s’ouvrir pour le parti bleu marine.

 

Sarkozy « droitisant », Juppé réservé

 

Si le Front national se délecte de l’événement, il est loin d’être le seul à vouloir en tirer profit. Chez les Républicains, chacun des candidats à la primaire y va de son commentaire. Fidèle à ses prises de positions « droitisantes » de ces derniers mois, Nicolas Sarkozy voit en cette élection, un rejet par le peuple de la « pensée unique », celle qui interdit notamment « tout débat sur les dangers qui menacent la nation », avant de déclarer que la France doit retrouver sa place dans le monde. « Il n’y aura pas de place pour l’impuissance, la faiblesse et le renoncement », lance-t-il. Comme à son habitude, Alain Juppé se montre pour sa part bien plus réservé. Dans un communiqué écrit et diffusé sur son site de campagne, il « prend acte de la décision souveraine du peuple américain ». Pas de félicitations, ni de mots à l’intention du nouveau président de la première puissance mondiale. « Aux français, je veux souligner tous les risques que la démagogie et l’extrémisme font courir à la démocratie et le caractère vital des choix qu’ils ont à faire », peut-on lire en conclusion.

 

« Nouvelle victoire des électeurs contre le système »

 

Le candidat le plus méconnu de la primaire de la droite et du centre, le président du parti chrétien démocrate Jean-Frédéric Poisson, lui, n’hésite pas à rapprocher son parcours de celui du nouveau président. « Trump est parti de très loin et cela m’ouvre inévitablement des perspectives nouvelles, tweet-il, reconnaissant une nouvelle victoire des électeurs contre le système. » Un avis partagé par l’ex-ministre de l’Économie Emmanuel Macron revendiquant aujourd’hui plus que jamais n’appartenir à aucun parti politique. Dans un communiqué diffusé sur le site Médium, il analyse l’élection de Donald Trump comme « l’expression d’un rejet du système profond, et sous-estimé ». Loin néanmoins de défendre les prises de position du nouveau président américain, le fondateur du mouvement En marche ! ne souhaite apporter des réponses ni de «fermeture » ni de « repli ». La gauche quant à elle, peine à réagir et semble une nouvelle fois vouloir jouer la carte du rassemblement. Si le parti socialiste voit dans ce résultat, le témoignage d’une « crise de confiance entre un peuple et les institutions », pour son secrétaire général Jean-Christophe Cambadélis, la gauche est à présent « prévenue ». « Continuons nos enfantillages irresponsables et ça sera Marine Le Pen », tweet-il le 9 novembre au matin.

 

Attention aux comparaisons hâtives

 

Mais la montée du Front national, comme celle de Donald Trump est-elle véritablement due aux lacunes des autres partis ? Pas sûr. « Les démocrates ont voulu jouer l’élection sur la peur, ça n’a pas marché, analyse Jean-Yves Camus. Un discours anti-establishment ne suffit pas pour gagner une élection comme celle-ci. Donald Trump a été élu pour son programme ». Une réalité dont les politiques français de droite comme de gauche vont devoir prendre conscience s’ils ne veulent pas se voir doubler par la présidente du Front national en avril prochain. Attention néanmoins aux comparaisons trop hâtives. Pour Jean-Yves Camus, si le programme de Marine Le Pen se rapproche effectivement de celui de Donald Trump, rien n’indique que la victoire du milliardaire puisse jouer en faveur du Front national. « Les contextes ne sont pas comparables. Le système américain est bipartisan, tandis qu’France nous avons une dizaine de candidats, deux tours de scrutins et pas de grands électeurs », estime le politologue. Sans compter que tous les experts avaient analysé un score serré entre Hillary Clinton et Donald Trump, là où les pronostics sont pour l’heure défavorables au Front national dans tous les cas de figure au second tour. Si Marine Le Pen savoure ainsi aujourd’hui la victoire de Donald Trump comme si c’était la sienne, celle-ci ne devrait pas l’avantager outre mesure. Les résultats des élections présidentielles en Autriche le 4 décembre prochain pourraient s’avérer bien plus déterminantes pour la présidente du FN et ses acolytes.  

 

Capucine Coquand

@CapucineCoquand

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