En défiant tous les pronostics et en remportant la présidence qui semblait revenir de droit à son adversaire, Donald Trump ne s’est pas contenté de faire mentir les sondages. Il a donné à l’ensemble de la classe politique internationale une leçon de politique. Décryptage.

Il y a quelques mois, personne ne le croyait capable de passer le stade des primaires. Le voilà aujourd’hui 45e président des États-Unis. Le fait que Donald Trump, candidat improbable de cette élection présidentielle, trublion politique et personnalité contestée jusque dans les rangs de son propre parti l’ait finalement emporté est lourd d’enseignements. Et ceux-ci vont bien au-delà d’un appel à la prudence face aux certitudes annoncées des supposés experts de l’opinion, qu’ils soient instituts de sondages ou médias avertis. Une fois la stupeur retombée, il apparaît que, si le candidat républicain a gagné, c’est d’abord parce qu’il a obéi à quelques règles élémentaires du jeu politique.

 

S’inscrire dans un contexte

Premières de ces règles : se bâtir un positionnement en accord avec le contexte du moment. Autrement dit : capter les signaux du terrain et les exploiter. Un exercice auquel Donald Trump, pendant qu’il amusait les médias avec ses postures décomplexées et ses déclarations à l’emporte-pièce, n’a pas manqué de se livrer. Historien spécialiste des États-Unis, directeur du Centre d'études nord-américain (Cena), Romain Huret explique : « Pendant qu’on se contentait de jauger son style outrancier, agressif, sans nuance… –, on omettait de voir qu’il cristallisait autour de sa personne des questions de fond qui, pour des millions d’Américains, étaient devenues des préoccupations majeures : le déclassement social, la montée des inégalités… » 

Pendant que Trump évoquait « les 43 millions d’Américains vivant aujourd’hui de coupons alimentaires », la candidate démocrate apparaissait de plus en plus comme celle « de la Sillicon Valley, des très diplômés, d’une élite »

 

Des réalités dont Donald Trump a pris la pleine mesure en s’intéressant à certaines évolutions clés de la société américaine – l’explosion du nombre d’expulsions, le nombre toujours croissant de familles contraintes de vivre dans des mobil-homes…  – et en y voyant les symptômes d’une authentique dégradation du climat économique et social.  Sur ce constat il a bâti un discours fort, simple et immédiatement audible. « En répétant qu’il voulait une Amérique dans laquelle les gens sans emploi et sans diplôme aurait un avenir, il a redonné confiance à des millions de personnes », explique Romain Huret qui rappelle que, pendant que Trump était le seul candidat à évoquer  « les 43 millions d’Américains vivant aujourd’hui de coupons alimentaires », la candidate démocrate apparaissait de plus en plus comme celle « de la Sillicon Valley, des très diplômés, d’une élite ». Un paradoxe qui lui aura coûté son électorat naturel et rapporté à son adversaire les voix d’un électorat ouvrier exaspéré. 

 

Volontarisme et proximité

Autre point fort selon l’historien : « Trump a compris que la colère qui émanait de ces populations était profonde, réelle et appelait des réponses immédiates, pas des théories sur le long terme. Résultat, il a opté pour une posture très volontariste », s’engageant à renégocier les traités de libre-échange avec la Chine pendant qu’Hillary Clinton se livrait à des diagnostics sur les inégalités.

Une double leçon de lucidité et de volontarisme donc à laquelle s’ajoute un autre enseignement. Celui du rôle, déterminant, de la proximité. « On lui a évidemment beaucoup reproché la violence de ses prises de position et la vulgarité de son discours sans comprendre que ce qui apparaissait comme choquant reflétait la brutalité du quotidien de millions d’Américains » pointe Romain Huret. Des Américains qui ne pratiquent pas le politiquement correct et ne croient plus dans le langage feutré des politiques. Pendant ce temps, « Hillary Clinton jouait sa campagne tout en finesse, sans prise de risque, poursuit l’historien. Mais beaucoup de gens attendaient autre chose. Un retour du politique frontal, volontariste que Trump leur a apporté. »

 

Leçon d’humilité

Dernière leçon imposée par cette victoire : celle de l’humilité. De la part des médias, des politiques et de tous les sachants qui, des mois durant, ont qualifié les électeurs de Trump de « petits blancs », de « nazis » en puissance et d’ « imbéciles », convaincus qu’ils étaient que jamais ils ne pourraient renverser les équilibres en place, bousculer le système, lui imposer d’autres règles. Ceux-là même qui, en votant pour le candidat qui avait fait de leur colère son premier argument de campagne, ont donné à l’Amérique et au monde entier une indiscutable leçon de démocratie. « L’intérêt premier de cette victoire aura été d’apporter la preuve qu’au final, ni les médias ni les sondages ne faisaient une élection », confirme Romain Huret. Espérons que nos politiques sauront s’en souvenir d’ici mai prochain.

 

Caroline Castets

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