Le fondateur de Meta met fin aux actions en faveur de l’embauche des femmes et des minorités. Il enterre également sa politique de fact-checking. De quoi satisfaire Donald Trump ?
Le virage "anti-woke" de Mark Zuckerberg
Saviez-vous qu’avant de fonder Facebook, Mark Zuckerberg avait mis au point en 2003 un site visant à classer le physique de ses camarades en fonction de leur attrait physique ? "Est-ce qu'on l’on est à Harvard pour notre physique ? Non. Est-ce qu'on va être jugés dessus ? Oui", était-il écrit. Baptisé Facemash, le site fonctionnait avec des photos obtenues illégalement à partir des trombinoscopes de l’université. Convoqué pour un conseil de discipline à ce sujet, le futur milliardaire ferme le site dont la durée de vie n’aura été que de quelques heures. Depuis, Mark Zuckerberg assurait prôner l’égalité des chances et souhaiter que les femmes réussissent en entreprise, lui qui a grandi avec des sœurs et est père de trois filles.
Il y a quelques jours pourtant, le discours du dirigeant quant aux politiques de diversité dans la sphère économique est devenu bien moins lisse. Dans un entretien fleuve publiée vendredi dans le cadre du très suivi podcast The Joe Rogan Experience, Mark Zuckerberg déplore la montée en puissance des entreprises "culturellement castrées" qui ont cherché à s’éloigner de "l’énergie masculine". Il précise qu’"avoir une culture qui valorise un peu plus l’agressivité a ses mérites". Et de résumer : "C'est une chose de vouloir créer un environnement accueillant, mais à un moment, ça va trop loin."
Mark Zuckerberg déplore la montée en puissance des entreprises "culturellement castrées"
Changements concrets
Ces propos ne sont pas des paroles laissées lettre morte sur le terrain. Le dirigeant entend bien changer la donne. Meta (maison-mère d’Instagram, Facebook et WhatsApp) vient d’annoncer la fin des programmes censés favoriser la diversité au sein de son personnel. "Le paysage juridique et politique autour des efforts de diversité, d’équité et d’inclusion aux États-Unis est en train de changer", explique une note interne rapportée par le site d’informations américain Axios et confirmée à l’AFP par Meta. Bien que le groupe insiste sur le fait qu’il reste "au service de tous" et qu’il continuera à chercher des candidats d’origines diverses, il supprime les objectifs de représentation spécifiques pour les femmes et les minorités ethniques.
De même le département DEI (diversity, equity and inclusion) est supprimé. Dans la note, Janelle Gale, vice-présidente des ressources humaines de Meta, explicite : "Le terme DEI (politique de diversité, égalité et inclusion, ndlr) est devenu controversé, notamment parce qu'il est compris par certains comme […] le traitement préférentiel de certains groupes par rapport à d'autres."
Le département DEI (diversity, equity and inclusion) est supprimé
Adieu le fact-checking
La semaine dernière également, le dirigeant de Meta annonçait mettre fin à son programme de vérification des faits par des organisation indépendantes – dit fact-checking – aux États-Unis. À la place, le groupe introduit un système de "notes de la communauté", souhaitant ajouter du contexte à certains posts. Un mode de fonctionnement, censé favoriser la liberté d’expression, adopté par Twitter en 2021 et généralisé après son rachat par Elon Musk en 2022. Sur X, les notes sont proposées et rédigées par des utilisateurs volontaires. Leur utilité est ensuite évaluée par d’autres utilisateurs, selon certains critères.
Changement de braquet
Alors que la Silicon Valley s’ancrait traditionnellement dans une ligne démocrate et progressiste, les patrons changent peu à peu de braquet sur fond d’opposition au wokisme. Un mouvement combattu par les républicains, avec Elon Musk comme chef de fil du côté des géants de la tech. Le propriétaire de X s’est engagé pour l’élection de Donald Trump et n’hésite pas à attaquer l’idéologie woke sur son réseau social.
Mark Zuckerberg montre patte blanche face au 47ème président des États-Unis, avec qui il aurait récemment diné. Le patron de Facebook a nommé certains alliés de Donald Trump a des postes clés et Meta a fait don d’un million de dollars au fonds finançant la cérémonie d’investiture du futur homme fort du pays de l’oncle Sam le 20 janvier prochain. Un montant également versé par Amazon. "Je pense que le président Trump veut simplement que l'Amérique gagne, et cela me rend optimiste", a déclaré Mark Zuckerberg à Joe Rogan.
Si ces actions s’inscrivent dans la lignée anti-woke prônée par Donald Trump, elles sont aussi une manière de s’accorder les faveurs du nouveau président. Les patrons d’entreprise espèrent que le républicain mènera à bien ses projets de dérégulation, eux qui ont été échaudés par certaines décisions de Joe Biden notamment concernant les monopoles ou le contrôle de l’intelligence artificielle. Ces revirements relevèrent-ils alors plus de l’opportunisme que de l’idéologie ? L’avenir nous le dira.
Olivia Vignaud