L’application de la loi Egalim 2 du 18 octobre 2021 appelle une refonte de la politique commerciale des fournisseurs et des distributeurs, qui n’est pas aisée à réaliser dans les délais courts impartis. Pour apporter un éclairage sur un texte de loi difficilement compréhensible, des "lignes directrices" seraient en cours de rédaction par la DGCCRF.

La loi du 18 octobre 2021 "visant à protéger la rémunération des agriculteurs", dite "Egalim 2", modifie en profondeur le titre IV du Livre IV du Code de commerce. Or, alors que cette loi impose des contraintes complexes aux opérateurs à mettre en œuvre dans un calendrier court, force est de constater que la lettre des nouveaux textes soulève des interrogations importantes.

La loi instaure un nouveau cadre des négociations entre industriels et acheteurs pour les "produits alimentaires" et les "produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie" qui comportent des "matières premières agricoles" (ci-après désignés ensemble les "Produits alimentaires et les Petfoods"). Toutefois, les notions de "produits alimentaires" et de "matières premières agricoles" ne sont pas définies par le Code de commerce, de sorte que les professionnels devront déterminer si leurs produits entrent ou non dans le champ d’application de ce nouveau régime.

Un décret du 29 octobre 2021 exclut de l’application de ces nouvelles dispositions plusieurs produits alimentaires. Un autre décret devrait venir exclure également les produits dont la part agrégée des matières premières agricoles est inférieure ou égale à 25 %. 

Dans un souci de transparence, les Conditions Générales de Vente des fournisseurs (CGV) doivent désormais indiquer la part que représentent, dans les Produits alimentaires et les Petfoods, les matières premières agricoles et les produits transformés composés de plus de 50 % de matières premières agricoles qui entrent dans leur composition (ci-après désignés ensemble les "Matières Premières Agricoles" ), en pourcentage du volume et en pourcentage du tarif (nouvel article L.441-1-1 du Code de commerce).

Le fournisseur dispose de trois options:

  • - option 1 : présentation de la part unitaire de chaque Matière Première Agricole,
  • - option 2 : présentation de la part agrégée des Matières Premières Agricoles,
  • - option 3 : aucune présentation si le fournisseur fait état d’une évolution tarifaire par rapport à l’année précédente. Un contrôle de la négociation sera effectué par un tiers indépendant qui sera chargé de certifier, aux frais du fournisseur, au plus tard dans le mois qui suit la conclusion du contrat, que celle-ci n’a pas porté sur la part de cette évolution résultant de l’évolution du prix des Matières Premières Agricoles.

Si le fournisseur exerce une des deux premières options, le distributeur pourra, à ses frais, demander la désignation d’un tiers indépendant chargé d’attester, dans un délai de dix jours, l’exactitude de la part inscrite par le fournisseur dans ses CGV. Un décret pourrait venir préciser la liste des professions pouvant exercer ce rôle. 

Les CGV devront également mentionner les indicateurs, si un contrat à l’amont a été conclu en application de L.631-24 du Code rural et de la pêche maritime. Les CGV sont communiquées au plus tard le 1er décembre et le distributeur dispose d’un délai d’un mois à compter de leur réception pour motiver explicitement et de manière détaillée leur refus ou les dispositions qu’il souhaite soumettre à la négociation. 

Les CGV doivent être mises en conformité avec ce nouveau texte à compter du 1er novembre 2021. Face aux difficultés posées par la nouvelle loi, de nombreux fournisseurs ont choisi de communiquer leurs CGV pour 2022 avant cette date afin de rester soumis à la loi ancienne.

Dans un souci de protection de la rémunération des agriculteurs, la part du tarif relative aux Matières Premières Agricoles n’est plus négociable. Un nouvel article L.443-8 du Code de commerce instaure une convention écrite spécifique pour les Produits alimentaires et les Petfoods. Cette convention devra reproduire la part des Matières Premières Agricoles figurant dans les CGV et indiquer les modalités de leur prise en compte dans l’élaboration du prix convenu. Afin d’assurer l’articulation entre l’amont et l’aval, la convention devra également prévoir une clause de révision automatique des prix en fonction de la variation du coût des Matières Premières Agricoles.

Le nouvel article L.443-8 du Code de commerce réintroduit le principe de l’indication de la rémunération "ligne à ligne" (contrepartie par contrepartie) pour les Produits alimentaires et les Petfoods, à l’exception des produits exclus par décret. Un contrôle de l’adéquation de ces rémunérations pourra être effectué notamment par application de l’article L.442-1-4° du Code de commerce qui consacre, pour ces produits, le retour de l’interdiction de la discrimination abusive. 

L’article L.443-8 du Code de commerce entrera en vigueur le 1er janvier 2022.

Dans un souci de renforcement du formalisme, la loi Egalim 2 introduit de nouvelles obligations en matière de contrat portant sur des produits à marque de distributeur (MDD), (article L.441-7 du Code de commerce) qui devront comporter une clause de révision automatique des prix en fonction de la variation du coût de la Matière Première Agricole, un volume prévisionnel, une durée minimale de préavis, une clause de répartition des différents coûts additionnels survenant en cours de contrat, un système d’alerte et d’échange d’informations périodiques afin d’optimiser les conditions d’approvisionnement et de limiter les risques de rupture. Enfin, le texte interdit expressément de mettre à la charge du fournisseur des dépenses liées aux opérations promotionnelles sur les MDD.

Le nouveau texte entrera en vigueur le 1er janvier 2022 mais les conventions en cours à cette date devront être mises en conformité au plus tard le 1er janvier 2023.

Dans un souci de limitation de l’application des pénalités logistiques par les distributeurs aux fournisseurs, un nouvel article L.441-17 du Code de commerce, applicable à tous les produits, pose de nouvelles règles en la matière : prise en compte d’une marge d’erreur suffisante, seuls les cas de ruptures de stock peuvent générer des pénalités et par dérogation des pénalités peuvent être appliquées lorsque le distributeur justifie avoir subi un préjudice, prohibition des pénalités forfaitaires, pénalités à exprimer obligatoirement en pourcentage du prix d’achat des produits concernés et devant être proportionnées au préjudice, réciprocité des délais de paiement. 

Par ailleurs, un nouvel article L.441-18 prévoit la possibilité pour le fournisseur d’infliger des pénalités en cas d’inexécution d’un engagement contractuel par le distributeur.

Les articles L.441-17 et L.441-18 du Code de commerce sont d’application immédiate. 

LES POINTS CLÉS

  • • Les tarifs des fournisseurs doivent indiquer la part, non négociable, que représentent les Matières Premières Agricoles dans les Produits alimentaires et les Petfoods.
  • • Une nouvelle convention spécifique doit être conclue entre fournisseur et distributeur pour les Produits alimentaires et les Petfoods.
  • • Les contrats MDD doivent contenir des clauses supplémentaires.
  • • L’application de pénalités logistiques est strictement encadrée.
  • • Le retour du ligne à ligne et de l’interdiction des discriminations pour les Produits alimentaires et les Petfoods.

 

SUR L'AUTEUR

Violaine Ayrole et Richard Renaudier sont associés au sein du Cabinet Renaudier, qui est dédié exclusivement au droit économique et qui est l’un des cabinets d’avocats français les plus actifs dans ses principaux domaines d’activité – distribution, concurrence, concentrations – tant en conseil qu’en contentieux.

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