B. Vanier (Gemway Assets) : "La Chine a les capacités de mieux résister"
Décideurs. La Chine a été le premier foyer touché par le Coronavirus. Le pic a-t-il été atteint ?
Bruno Vanier. En Chine, la situation s’est largement améliorée. La quasi-totalité des nouvelles infections viennent désormais de personnes venues de l’extérieur. L’épidémie s’est d’ailleurs éteinte dans le foyer de Wuhan. La stratégie de confinement sévère mise en place par le gouvernement a porté ses fruits. La Chine envoie d’ailleurs ses médecins et son matériel en Italie. La Corée du Sud est également en train de sortir de cette crise sanitaire grâce à l’application de tests massifs auprès de sa population. Le problème n’est cependant pas fini en Asie. Certains pays sont encore touchés, en raison notamment de personnes qui reviennent de voyage. C’est le cas de Singapour et de Hong-Kong.
L'économie est-elle en train de repartir ?
Certains signes le montrent. La consommation de charbon est par exemple en progression. Ce redémarrage s’effectue lentement. N’oublions pas qu’une part significative de l’économie chinoise est tournée vers l’exportation. Je vois donc mal comment cela peut repartir alors que la demande finale reste incertaine.
"Je vois mal comment l’économie chinoise pourrait repartir alors que la demande finale reste incertaine"
Peut-on anticiper un plan de relance massif de la part du gouvernement chinois, notamment en faveur de la consommation intérieur ?
La relance chinoise ne sera pas du même acabit que celle de 2009 qui avait, reconnaissons-le, produit des résultats mitigés. À l’image de la France, on peut déjà noter des mesures fiscales et bancaires permettant de sauver les entreprises de la faillite. Un plan de relance dans l’infrastructure pourrait également être annoncé, mais plutôt au cours de la deuxième moitié de l’année. Pour l’instant rien n’est tranché.
Cette situation va-t-elle fragiliser encore un peu plus les relations commerciales entre la Chine et les États-Unis ?
Donald Trump persiste à appeler le Covid-19 le « virus chinois » et regrette que les autorités chinoises n’aient pas plus rapidement prévenu les autres pays de la gravité de la situation. Ce n’est, à mon sens, pas le moment de mettre de l’huile sur le feu, surtout que des élections se profilent pour Donald Trump. Les États-Unis et la Chine sont indéniablement en situation de concurrence. Ces sujets reviendront sur la table. Si Joe Biden est élu, il est cependant possible que tout cela prenne moins d’ampleur.
Qu’en est-il des autres pays de la zone ?
C’est une zone très divergente. La production industrielle a baissé de l’ordre de 20 %, en valeur absolue. Plus les mesures de confinement sont strictes, plus l’impact sur l’économie est fort. Ce constat vaut pour toutes les zones du monde, qu’on le veuille ou non. Une année de récession mondiale massive se profile, et elle va toucher tous les pays, notamment les économies émergentes. Les deux premiers trimestres s’annoncent très mauvais. La Chine, grâce à des moyens colossaux, a les capacités de mieux résister. L’Amérique latine a pour le moment été épargnée. Si cet impact est retardé, il sera tout de même important.
"Le retournement de cette tendance pourrait être amorcé lorsque les USA prendront des décisions drastiques"
La baisse des grandes places boursières asiatiques constitue-t-elle un point d'entrée pertinent ?
À court terme il est difficile d’y répondre tant la volatilité demeure importante. Le retournement de cette tendance pourrait être amorcé lorsque les USA prendront des décisions drastiques. C’est probablement lorsque le niveau des incertitudes sera le plus élevé que l’on atteindra le point bas des marchés. Les analystes révisent à la baisse les bénéfices des entreprises. Ce n’est donc pas le price-earning ratio (PER) qu’il faut regarder pour estimer de l’opportunité de revenir sur les marchés.
Le price to book, c’est-à-dire l’actif net comptable, nous donne des indications bien plus pertinentes. Dans le secteur de la technologie à Taïwan ou en Corée du Sud, les valorisations sont au plus bas depuis vingt-cinq ans. Nous regardons de près les hardwares (Samsung, TSMC), des sociétés comme Alibaba ou Tencent en Chine et des secteurs défensifs comme celui de la pharmacie.
Quelles typologies de titres préconisez-vous ?
Il est évident que cette crise va déboucher sur des changements encore difficiles à anticiper. Les sociétés les mieux préparées sont celles les plus solides, avec un bilan sain. Il faut donc privilégier les secteurs à forte croissance, peu affectés à long terme. Sur les deux premiers mois de l’année, les ventes de détail ont baissé de 20 % en Chine alors que les ventes en ligne ont progressé de 2 %. Cela donne un attrait supplémentaire au secteur du e-commerce. Si en Chine, nous sommes déjà sur des niveaux de pénétration élevés, à hauteur de 20-22 %, d’autres pays ont une marge de progression plus importante. C’est le cas de SEA, société singapourienne présente dans le e-commerce en Indonésie et dont Tencent détient une participation