Hervé Castelnau (Latournerie Wolfrom & Associés) : « Le continent africain c’est aussi des entreprises locales très dynamiques,
DÉCIDEURS. L’Afrique est un continent que vous pratiquez depuis vingt ans. Quelles dynamiques spécifiques y sont présentes aujourd’hui?
Hervé Castelnau. L’Afrique est un continent magnifique, divers, et en pleine mutation. Fort d’une classe moyenne de 300 millions d’habitants, il est désormais incontournable sur l’échiquier économique. Les grands groupes du CAC 40 comme L’Oréal ou Orange en sont conscients, et ils y investissent.
Par ailleurs, le continent africain, c’est aussi des entreprises locales très dynamiques, voire des « champions africains » régionaux. Ces entreprises consolident leur secteur en Afrique, sur cinq, dix voire vingt pays, ainsi que leurs éventuels débouchés en Europe. Ils font partie de nos clients fidèles. Il est d’ailleurs parfaitement stimulant de travailler aux côtés d’entreprises et de dirigeants d’Afrique du Nord ou d’Afrique subsaharienne qui sont à la fois ambitieux, modernes et rapides dans leur expansion. Il y a une vraie dynamique positive sur le continent aujourd’hui.
Du fait de ce mouvement de consolidation, les acquisitions et joint-ventures sont de plus en plus nombreuses. C’est une grosse part de notre activité.
Quelle posture les investisseurs doiventils adopter afin de travailler efficacement sur le continent africain?
En Afrique, il est essentiel de connaître les spécificités locales et de savoir s’adapter. Par ailleurs, même si ce n’est pas le cas partout, il faut savoir gérer des à-coups à la stabilité, voire l’instabilité. Il faut connaître le contexte politique, le cadre constitutionnel, juridique et culturel pour anticiper les changements.
Pour diluer le risque, les groupes européens comme les nouveaux géants africains visent souvent une approche multi-pays. Ainsi, nous intervenons de plus en plus souvent pour des clients industriels sur des projets englobant quinze à vingt juridictions. Outre les économies d’échelle, le risque s’amenuise. Les groupes étrangers, et notamment les grands opérateurs français se développant dans le domaine des télécommunications ou le secteur énergétique, l’ont bien compris et interviennent le plus souvent à une échelle panafricaine.
Par ailleurs, il faut anticiper le risque contentieux, compte tenu du manque de prédictibilité judiciaire dans certaines juridictions. Outre les clauses d’arbitrage si le contexte local le requiert, certains équilibres et circonstances doivent être érigés en conditions essentielles du contrat, afin, notamment lorsque des entités étatiques sont cocontractantes, de pouvoir recourir – ou menacer de recourir – à des arbitrages Cirdi.
Enfin, afin d’être au plus près des solutions requises, il est indispensable de disposer d’un solide réseau de conseils locaux de qualité, offrant à la fois qualités techniques et relais de lobbying. Il est fondamental de connaître intimement le cadre applicable aux investissements étrangers: codes des investissements locaux, contrôle des changes, fiscalité locale, etc.
Quelles sont, selon vous, les qualités essentielles d’un cabinet intervenant sur le continent africain?
Le succès requiert avant tout pragmatisme et expérience du terrain. Il y a beaucoup de nouveaux venus attirés par le développement récent du continent mais c’est avec des vrais praticiens de l’Afrique exerçant depuis quinze, vingt ans que les risques et solutions peuvent être anticipés.