Pour Sylvain Theux, le président et fondateur du family office Holding Fortune, la stratégie patrimoniale mise en œuvre par une famille dans un contexte de mobilité internationale doit se démarquer par sa souplesse. Il s’en explique.

DÉCIDEURS. Le sujet de la mobilité internationale est-il un sujet incontournable pour la gestion de fortune aujourd’hui ?

Sylvain Theux. En effet, ce sujet est incontournable. Il n’est pas possible d’échapper à la problématique de la mobilité internationale lorsque l’on s’adresse aux familles fortunées. Cela vient du fait qu’il est désormais très rare que des familles ne voient pas certains de leurs membres étudier ou travailler à un moment de leur vie à l’étranger. En tant que family officer étudiant la planification successorale, il est indispensable de prendre en compte la résidence fiscale des enfants et des parents. Un grand nombre de nos compatriotes sont ainsi amenés à vivre dans d’autres pays comme les États-Unis, l’Italie ou le Maroc, des destinations très prisées. Dans ces circonstances, nous devons veiller à adapter les stratégies patrimoniales mises en oeuvre par les familles, qu’il s’agisse de conventions matrimoniales, de testaments, et bien évidemment d’assurance-vie. On s’aperçoit que ce ne sont plus seulement les lois fiscales qui créent de l’insécurité juridique mais la mobilité internationale elle-même des parents ou des enfants qui choisissent des pays où le système juridique n’est tout simplement pas le même. Ce phénomène n’est pas nouveau et s’amplifie de manière spectaculaire avec toute une génération de jeunes professionnels désireux de s’installer à l’étranger pour booster leur carrière. 

"Il est primordial de pouvoir "détisser" ce qui est mis en place dans un pays pour pouvoir le retisser dans un autre pays"

Comment gère-t-on cette situation ?

Il faut privilégier systématiquement la souplesse. Il est primordial de pouvoir "détisser" ce qui est mis en place dans un pays pour pouvoir le retisser dans un autre pays.

En France, l’environnement juridique et fiscal n’est pourtant pas spécialement caractérisé par la souplesse !

Les professionnels experts privilégient aujourd’hui la simplicité, la transparence, le crystal clear. Nous ne cherchons plus à faire des montages ou mettre en oeuvre des stratégies sophistiquées. Nous préconisons les solutions qui se prêteront le moins possible à l’interprétation ou à la requalification. Avec la nouvelle définition de l’abus de droit, les doctrines administratives successives, les fiscalistes n’ont plus vraiment la possibilité d’être aussi créatifs qu’ils ont pu l’être lors des dernières décennies, même s'ils apportent une vraie plus-value en termes de sécurité à leurs clients.

Quels sont les points de vigilance selon vous, en tant que conseil, dans un environnement international ?

Le premier point de vigilance est la réglementation qui s’applique au conseil. Il faut en effet être extrêmement vigilant en ce qui concerne les normes qui s’appliquent à l’activité de conseil de quelque nature qu’il soit, sur le territoire concerné. Le plus simple est d’opérer comme s’il s’agissait de management de projets patrimoniaux c’est-à-dire que l’on accompagne les familles, mais tout projet est validé par des experts externes de sorte que le family officer se contente – et c’est déjà beaucoup – de coordonner la bonne exécution de l’ensemble des opérations. Pour cela évidemment, il est indispensable d’avoir un réseau international efficace. On peut avoir constitué un carnet d’adresses consistant, il faut être capable de le nourrir pour gérer de nouveaux sujets dans de nouveaux pays en identifiant des professionnels rodés aux problématiques internationales, et bien sûr capables d’échanger a minima en anglais.

L’assurance-vie est aussi un enjeu fort dans le cadre de l’impatriation ou l’expatriation. Dans un contexte international, l’assurance-vie luxembourgeoise serait-elle à privilégier ?

L’assurance-vie luxembourgeoise ne solutionne pas tout mais elle reste privilégiée, ne serait-ce que par application du pari pascalien : ça ne marchera peut-être pas, mais il faut néanmoins se donner la chance que ça marche. Les effets de l’assurance-vie luxembourgeoise ne sont pas les mêmes d’un pays à l’autre. Dans certains États, elle n’a même aucun avantage particulier, notamment ceux qui ne connaissent pas le mécanisme de la stipulation pour autrui. Pour être schématique, ces derniers vont considérer, d’une part, l’assurance-vie comme une créance ordinaire sur une compagnie d’assurances et pour ce qui est de la transmission du capital au décès, ils appliqueront la théorie de l’apparence : on va simplement considérer que le versement d’un capital est une transmission comme une autre qui doit être traitée conformément au droit commun des successions. Il est impératif de faire étudier le sort de ces contrats avant de partir. Ceci dit, le contrat luxembourgeois reste intéressant parce que de nombreux pays vont reconnaître ses effets … autant saisir cette chance. 

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