Leader mondial des plantes et herbes aromatiques surgelées, Darégal fait 70 % de son chiffre d’affaires hors de France. Aux yeux de Charles Darbonne, PDG de cette entreprise familiale française, s’adapter aux marchés visés est une nécessité pour réussir à l’international. 

Décideurs. Comment percevez-vous la manière dont les entreprises exportent ?

Charles Darbonne. Quand une entreprise travaille sur son marché domestique, elle est assez claire sur la façon dont elle l’aborde. Lorsqu’elle se lance à l’export, toute logique entrepreneuriale disparaît. Par exemple, certaines partent au Brésil car le marché a l’air sympathique alors même qu’il est très éloigné de l’Europe sur de nombreux points comme les sujets réglementaires. Il faut avoir la même rigueur à l’international que sur son marché domestique. Au lieu de choisir des territoires lointains, les entreprises ont intérêt à commencer par les pays limitrophes pour faire des essais et commettre leurs premières erreurs. Les dirigeants doivent pouvoir aller en voiture sur place et que ça ne leur coûte pas trop cher de tester l’export.

Quels sont les principaux freins à l’export ?

À Rome, il faut faire comme les Romains. Comparer n’est jamais une bonne idée. Les entreprises doivent apprendre de l’autre. On parle souvent des États-Unis comme d’un pays. Certes, les Américains ont en commun leur langue et le dollar mais il y a autant de différences entre une personne de Boston et un habitant de la Nouvelle-Orléans qu’entre un Russe et un Portugais. Aux États-Unis, si vous ne répondez pas à un mail dans les 48 heures, c’est que vous êtes mort. C’est la compréhension de la culture du pays qui permet de faire du business.

Est-ce que Darégal doit adapter ses produits aux différents pays ?

Nos premiers produits en France sont le basilic, le persil et la ciboulette. En Allemagne, on ne mange pas de basilic. En Angleterre, les produits phares sont l’ail, le gingembre et le piment. On ne vend du piment que là-bas et dans les pays nordiques. Les goûts changent complètement d’un pays à un autre. On ne peut pas présenter les mêmes produits à l’étranger que chez Carrefour, ni de la même façon d’ailleurs. L’erreur consiste à essayer de trouver des similitudes ou d’établir des comparaisons avec ce que l’on connaît. En réalité, il faut regarder ce que fait chaque pays. D’où l’intérêt d’avoir un patron anglais en Angleterre ou un patron allemand en Allemagne, et de leur laisser le plus d’autonomie possible.

"Les goûts changent complètement d’un pays à un autre"

Comment s’est passée l’internationalisation de Darégal ?

Nous avons commencé par les pays limitrophes, d’abord parce qu’on y a cultivé des plantes aromatiques, ensuite parce que nous les avons vendues aux industriels et au grand public. Notre erreur a été d’opérer trop longtemps avec des distributeurs qui, par définition, ne travaillent pas que pour nous, et de ne pas avoir mis d’équipe sur place. Dès lors qu’une entreprise peut se permettre de payer des locaux, un commercial et un assistant, elle doit s’implanter elle-même à l’étranger.

Pourquoi être parti aux États-Unis ?

En 1981, alors que nous étions surtout une société française qui produisait en partie en Europe, François Mitterrand est arrivé au pouvoir. Mon père a eu peur que l’entreprise ne soit nationalisée. Ce qui lui a fait dire que nous devions mettre un pied ailleurs. Aujourd’hui, nous y réalisons environ 50 % de notre chiffre d’affaires.

Vendez-vous le "made in France" à vos clients ?

J’essaie d’être tous les jours dans la cuisine des gens. Le "made in France" est considéré comme la cuisine complexe des grands chefs. Cela ne permet pas de vendre des milliards de produits. En revanche, si on dit qu’un produit a été fait pour les Américains avec une touche française, cela peut fonctionner. Et il ne faut pas casser les codes : on reste sur l’image de la baguette, de la viande rouge et du béret.

Propos recueillis par Olivia Vignaud

 

 

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