Premier outil de travail – après l’intelligence humaine –, les systèmes et les logiciels informatiques utilisés par les professions juridiques nécessitent d’être sécurisés. Les adapter à la mobilité devient également central.

« Entre 200 à 250 euros mensuels par poste de travail. » Voici une estimation du coût de l’équipement informatique pour un cabinet d’avocats ou une étude de notaires. Cette somme est similaire à celle évaluée pour chaque juriste d’entreprise comme pour n’importe quel salarié du tertiaire. Elle correspond à la fourniture de hardware, c’est-à-dire les ordinateurs (fixes et portables), les imprimantes et les téléphones professionnels, et de software, à savoir les logiciels informatiques de tout type.

Ne pas faire l'impasse

Les éditeurs de logiciels comme Secib ou Diapaz proposent un service global de software pour les cabinets d’avocats. Certains vont même jusqu’à recommander des marques d’équipements informatiques qu’ils ont approuvées, notamment lorsqu’ils savent le service après-vente performant et réactif. Le marché offre aussi des solutions digitales pour les notaires intégrant leurs contraintes réglementaires et déontologiques comme GenApi ou Notarial par Fiducial. Il faut compter aussi avec l’arrivée de la legaltech sur le marché français qui a concurrencé les logiciels historiques, les start-up s’organisant aux côtés des deux professions. Dooxi par exemple ou MyNotary sont dédiés aux notaires.

Les professions juridiques ne peuvent pas faire l’impasse sur les solutions digitales puisque l’exercice du droit exige l’utilisation d’un fonds documentaire dense et actualisé en permanence. Les cabinets d’avocats et études de notaires consacrent donc une part importante de leur budget à ces outils. Et pour éviter l’arbitrage budgétaire entre hard et software, la tendance est celle de l’assouplissement des postes de travail. Certaines structures ne disposent d’aucun ordinateur fixe. C’est le cas chez Claisse & Associés : « Avocats comme salariés sont équipés d’une tablette », lance Yves Claisse, l’associé fondateur du cabinet. Les professions juridiques, encore parfois qualifiées de traditionnelles, savent répondre aux besoins de leurs équipes qui demandent de la flexibilité et à ceux de leurs clients qui cherchent des réponses rapides.

« 4 % du chiffre d’affaires global »

L’idée selon laquelle un professionnel du droit doit pouvoir exercer son métier hors d’un bureau ne renvoie pas seulement au télétravail mais plus généralement à la mobilité, ce qui requiert des équipements et des solutions informatiques adaptés. Là où le simple télétravail nécessite un second bureau fixe, la mobilité oblige à se connecter depuis le palais de justice avant l’audience, lors de déplacements ou de ses visites sur les lieux de production d’un client… Il faut alors disposer d’un ordinateur portable ou d’une tablette équipés d’un VPN (un virtual private network créant un lien entre les ordinateurs tout en les isolant du trafic) pour pouvoir être connecté n’importe où et avoir accès à toute la documentation juridique nécessaire, de la doctrine à la jurisprudence en passant par les données des clients hébergées au cabinet. Ici encore, les outils dédiés aux métiers du droit se multiplient et augmentent sans cesse leur performance (lire chaque mois la synthèse de la legaltech réalisée par Décideurs Juridiques). Sauf que, quel que soit le système informatique choisi, il est essentiel pour toute structure d’assurer sa sécurisation.

La sécurité du système informatique est un élément essentiel pour le professionnel comme pour son client. Pour répondre à ce besoin de cybersécurité, les grandes structures choisissent de créer leur propre direction informatique sécurisée (DSI). « L’effectif à partir duquel un cabinet d’avocats décide d’internaliser sa direction informatique est d’environ 80 collaborateurs », d’après Jérémy Certoux, directeur général de Secib. Selon lui, cela correspond aux structures dont la part consacrée au système informatique est « d’au moins 4  % du chiffre d’affaires global », une donnée souvent utilisée pour évaluer l’investissement informatique nécessaire. Les structures avec un effectif inférieur à 80 personnes, elles, externalisent leur direction informatique en faisant appel à une société prestataire. La sécurisation du système informatique passe notamment par l’utilisation de pare-feu, d’outils digitaux cryptés pour le transfert des dossiers et la création d’une messagerie professionnelle.

Un prérequis essentiel

La sécurisation des informations était une donnée centrale de l’activité des cabinets d’avocats avant même l’adoption du Règlement européen de protection des données personnelles (RGPD). En effet, les grandes entreprises exigent toutes, dans leurs appels d’offres, que les cabinets auxquels elles pourraient faire appel aient un système informatique hautement sécurisé. Face à cette exigence, les cabinets qui ne disposent pas de DSI font appel à des prestataires. « Il nous arrive d’être présents lors de la candidature de nos clients aux appels d’offres, confirme Jérémy Certoux. Nous nous présentons alors comme un prestataire garantissant un haut niveau de sécurisation du système informatique. » Un prérequis essentiel pour le positionnement d’une marque et la construction de sa crédibilité auprès de sa clientèle. Et ce, d’autant plus que nombreux sont les avocats travaillant encore de façon non sécurisée et échangeant avec leurs clients par l’intermédiaire d’une messagerie gmail. Les notaires, quant à eux, ont tous accès à une boîte numérique sécurisée, leurs institutions représentatives ayant depuis longtemps déjà assuré la sécurisation des échanges de documents. Les Parisiens utilisent par exemple l’extension paris.notaires.fr.

La part consacrée au système informatique est d’au moins 4 % du chiffre d’affaires global

À cet outillage informatique sécurisé nécessaire aux besoins d’organisation des cabinets et des études s’ajoute la question d’un management adapté à ces nouvelles formes d’exercice professionnel. Afin que le travail à distance soit efficace et rapide, certaines structures font appel à des prestataires, des cabinets de conseil en management plus exactement, qui dispensent des formations collectives ou un accompagnement individuel (coaching ou accompagnement) dans le but de mettre en place une organisation différente. Selon l’expert, pour environ 50 personnes, le prix d’une ­formation de dix jours se situe entre 15 000 et 20 000 euros.


Médecin-urgentiste

Une fois formées, les équipes pourront se poser les bonnes questions. Par exemple : à quelle heure se termine une journée de travail ? La tentation de ne jamais déconnecter est grande, surtout pour les professionnels libéraux. Sauf que se déconnecter, quel que soit le lieu de travail choisi, est une question extrêmement sensible pour les professions juridiques. Bien que prévu à l’article 55 de la loi El Khomri du 8 août 2016 dite « loi travail », l’application du droit de la déconnexion ne fait pas l’unanimité. Pourtant, depuis le 1er janvier 2017, le droit à la déconnexion fait partie des sujets à aborder lors de la négociation annuelle obligatoire sur la qualité de vie au travail et devra se matérialiser par un accord d’entreprise. Cela ne concerne bien sûr que les grandes structures, celles dépassant un seuil de 50 salariés.
Or, celles des avocats et des notaires ne dépassent généralement pas ce seuil.

Mais la contrainte légale n’empêche pas les professions juridiques d’avoir du mal à intégrer cette notion de déconnexion. De nombreux avocats considèrent que leur métier s’apparente à celui de médecin-urgentiste. Difficile d’y échapper. Le métier exclut souvent les horaires fixes. « Nous responsabilisons nos avocats plutôt que de les surveiller en permanence, répond Yves Claisse, interrogé sur le sujet. Mais ils doivent respecter leurs engagements à l’égard des clients, des partenaires et du reste de nos équipes. » Les moyens technologiques modernes mis à la disposition des professionnels du droit ne doivent pas devenir un piège mais au contraire favoriser leur performance.

Pascale D'Amore et Maurice Mendy

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